vendredi 18 novembre 2022

« Sans doute est-il temps d’accepter de dire sans honte…

… que, par bien des aspects, beaucoup de choses étaient meilleures dans le passé et que, à défaut, elles étaient nettement plus simples », écrit le politologue et essayiste Gaël Brustier dans son excellent éditorial de La Vie du 3 novembre dernier ; et d’enfoncer le clou dans celui du 17 novembre, où évoquant le déficit de prise en compte psychiatrique qui caractérise notre société, il laisse entendre que celle-ci, à l’occasion notamment des soubresauts de son histoire récente, tel l’épisode de notre enfermement collectif lié au COVID, est devenue une véritable machine à fabriquer de la folie, auprès de laquelle les récits dystopiques les plus terrifiants font figure de conte pour enfants.

Or, comme ne cessait de le clamer Bernanos de façon prémonitoire en appelant au sursaut de la France contre les robots, il suffirait, pour limiter les dégâts, non pas de tenter en vain de ressusciter un passé au reste trop souvent idéalisé, mais de réinvestir les fonctions que certains outils, tel le smartphone, remplissent à notre place : quoi de plus de déresponsabilisant en effet que toutes ces applications auxquelles nous abandonnons notre existence au quotidien, au prétexte que c’est « plus pratique », « plus rapide », mais sans jamais nous poser la question de la véritable finalité d’un mode de fonctionnement aussi déshumanisé ? Quoi de plus infantilisant que les médias sociaux dont nous sommes à ce point tributaires que nous allons jusqu’à leur confier nos petits secrets, nos petites amours parfois, nos petites haines souvent, en attendant, avec un plaisir ambigu, leur divulgation à l’échelle planétaire, au bénéfice exclusif de ceux qui possèdent ces machines à bulliférer ?

Si donc nous renoncions à renoncer, ce serait pour chacun d’entre nous le début d’une reconquête de notre indépendance en tant qu’acteur social : en finir avec nos pseudonymes, nos avatars, mais également avec nos postures, nos assignations, avec le reporting, le video-meeting, avec l’hyper-connexion, les bullshit jobs dénoncés par le regretté David Graeber, avec la bureaucratie plus pesante encore depuis sa dématérialisation, les sollicitations consuméristes permanentes, etc., etc.

Le propos peut sembler dérisoire à l’époque où s’affiche la toute-puissance auto-proclamée de la « Machinerie », comme l’avait par avance désignée Bernanos ; mais certains signes du changement apparaissent déjà, notamment chez de grands acteurs des médias sociaux : un changement qui sera long, mais dans lequel chacun de ceux qui se sentent concernés peut jouer un rôle, infime mais assurément utile.

   Un correspondant nous écrit : « Dans les organisations quelle que soit leur nature (entreprises privées ou publiques, administrations...