vendredi 24 mars 2023

 

Un correspondant nous écrit :

« Découragé, atterré, par le soi-disant "nouveau monde" de la politique, deux options de non-engagement me sont offertes : la première, à laquelle je suis naturellement enclin, est celle d’une forme d’anarchisme de droite, représentée par l'esprit acéré de Michel Audiard et ses dialogues de film, étincelants ; mais cette pensée est marquée par un pessimisme ravageur aux conséquences potentiellement dangereuses. 

L’autre option consiste à rallier le Parti d’en Rire, fondé jadis par Pierre Dac et Francis Blanche, ‘’un parti placé au-dessus des partis’’, comme le proclamaient ses fondateurs : faux nez de l'extrême-centre, style En Marche ou Renaissance, vous êtes invités à vous abstenir de marcher sur ses plates-bandes sous peine d’amendes amères ! Parti d’en Rire, « pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour », dont le premier but affiché est de ‘’réconcilier les œufs brouillés’’, programme infiniment plus ambitieux que la réforme des retraites ou celle des institutions ».

vendredi 18 novembre 2022

« Sans doute est-il temps d’accepter de dire sans honte…

… que, par bien des aspects, beaucoup de choses étaient meilleures dans le passé et que, à défaut, elles étaient nettement plus simples », écrit le politologue et essayiste Gaël Brustier dans son excellent éditorial de La Vie du 3 novembre dernier ; et d’enfoncer le clou dans celui du 17 novembre, où évoquant le déficit de prise en compte psychiatrique qui caractérise notre société, il laisse entendre que celle-ci, à l’occasion notamment des soubresauts de son histoire récente, tel l’épisode de notre enfermement collectif lié au COVID, est devenue une véritable machine à fabriquer de la folie, auprès de laquelle les récits dystopiques les plus terrifiants font figure de conte pour enfants.

Or, comme ne cessait de le clamer Bernanos de façon prémonitoire en appelant au sursaut de la France contre les robots, il suffirait, pour limiter les dégâts, non pas de tenter en vain de ressusciter un passé au reste trop souvent idéalisé, mais de réinvestir les fonctions que certains outils, tel le smartphone, remplissent à notre place : quoi de plus de déresponsabilisant en effet que toutes ces applications auxquelles nous abandonnons notre existence au quotidien, au prétexte que c’est « plus pratique », « plus rapide », mais sans jamais nous poser la question de la véritable finalité d’un mode de fonctionnement aussi déshumanisé ? Quoi de plus infantilisant que les médias sociaux dont nous sommes à ce point tributaires que nous allons jusqu’à leur confier nos petits secrets, nos petites amours parfois, nos petites haines souvent, en attendant, avec un plaisir ambigu, leur divulgation à l’échelle planétaire, au bénéfice exclusif de ceux qui possèdent ces machines à bulliférer ?

Si donc nous renoncions à renoncer, ce serait pour chacun d’entre nous le début d’une reconquête de notre indépendance en tant qu’acteur social : en finir avec nos pseudonymes, nos avatars, mais également avec nos postures, nos assignations, avec le reporting, le video-meeting, avec l’hyper-connexion, les bullshit jobs dénoncés par le regretté David Graeber, avec la bureaucratie plus pesante encore depuis sa dématérialisation, les sollicitations consuméristes permanentes, etc., etc.

Le propos peut sembler dérisoire à l’époque où s’affiche la toute-puissance auto-proclamée de la « Machinerie », comme l’avait par avance désignée Bernanos ; mais certains signes du changement apparaissent déjà, notamment chez de grands acteurs des médias sociaux : un changement qui sera long, mais dans lequel chacun de ceux qui se sentent concernés peut jouer un rôle, infime mais assurément utile.

lundi 25 avril 2022

La croisière s'amuse

 La réélection d’Emmanuel Macron à la Présidence de la République française est venue lever le faux suspense aux allures de psychodrame entretenu à grand peine par les médias depuis quinze jours. Mais cette réélection par défaut masque le délabrement du système princidentiel : jamais en effet depuis 1969, l’abstention lors d'un second tour de cette élection n’avait atteint un tel chiffre ; encore en 1969 le PCF, qui représentait alors près d’un électeur sur quatre, avait-il appelé à s'abstenir eu égard au manque d’enjeux du scrutin puisque les deux finalistes, « bonnet blanc et blanc bonnet », comme l’avait résumé Jacques Duclos, appartenaient à la droite et au centre-droit républicains. Depuis, l'abstention n’a cessé de progresser de manière presque linéaire et, au surplus du vote blanc qui faiblit à peine, elle apparait clairement désormais comme une motion de défiance exprimée par 28 % des citoyens.

Or, il est frappant que les femmes et les hommes politiques, sans parler évidemment des journalistes, n’en parlent pas, ou que peu : victimes d’une surdité volontaire, qui leur permet d’ignorer le désespoir et la colère contenus dans ce silence assourdissant. Pour le personnel politique en effet, quel que soit son appartenance, les abstentionnistes ont toujours été et sont encore constitués par une majorité de « pêcheurs à la ligne » : ils ne sont donc rien électoralement. Au reste, les électeurs qui se déplacent pour voter blanc sont à peine mieux considérés : là encore, le cynisme règne puisque, de toutes façons, les bulletins blancs ne comptent pas plus que les nuls, ou les abstentions ; dans ces conditions à quoi sert-il d'aller voter ? Ce mépris généralisé pouvait encore se comprendre il y a quelques décennies : la télévision, la radio, la presse écrite, tout le monde s’ingéniait à taire les chiffres autres que ceux des scores des candidats ; mais aurait-on oublié que nous vivons dans un monde où Internet et les médias sociaux ont bouleversé la donne en termes communicationnels ? Les débats se tiennent désormais majoritairement sur d’autres écrans que ceux du passé et, quoiqu’en disent les professionnels de la profession, ils ne se révèlent pas beaucoup plus affligeants que ceux vus, entendus ou lus dans les médias traditionnels.

La « macronie » dansait hier soir au Champ de Mars pour fêter la victoire de son champion : on dansait aussi sur le Titanic quand le paquebot a heurté l’iceberg fatal…

vendredi 12 novembre 2021

Adieu Mediapart

 Quand on quitte quelqu’un, c’est un minimum de lui donner les raisons de son départ : il ne s’agit pas de se montrer acrimonieux et de jeter aux orties tout ce que cette fréquentation vous a apporté ; mais il n’y aurait aucun sens à taire les raisons qui ont poussé à cette séparation.

Il nous semble que Mediapart, pourtant très critique dans bien des domaines à l'égard de ce que nous appellerons, après d'autres, l'extrême-centre, s'est largement associé depuis le début de la crise sanitaire à la ligne de ce courant idéologique, même si nous pouvons observer que la position de Mediapart a récemment évolué, par exemple sur la possible/plausible origine du virus, l’amenant notamment à évoquer des thèses qui auraient été vraisemblablement qualifiées par lui « complotistes » il y a dix-huit mois ou même seulement un an.

Il n'est donc pas impossible que Mediapart, quelque jour prochain, en arrive, par exemple, à réhabiliter certains propos de Laurent Mucchielli, qu'il avait condamnés sur le témoignage d'un autre clubiste ayant joint sa voix au vilipendage  dudit Mucchielli par plusieurs de ses « chers collègues ».

Naturellement, Mediapart a le droit sinon le devoir, de signaler les excès  de ses clubistes : encore faudrait-il que ce contrôle s'exerce de manière uniforme, ce qui n'est manifestement pas toujours le cas, comme il est aisé le constater à la lecture de nombreux billets qui véhiculent des informations invérifiées et qui ne font pourtant l’objet d’aucun rappel à l’ordre ; mais, n'ayant pas en ce qui nous concerne, le goût de la délation, nous préférons nous éloigner d'un média qui finalement les cautionne, du moins quand cela correspond à son projet politique.

samedi 23 octobre 2021

L’enrichissement général, vieille lune libérale

 Ce que nous apprend le chiffre de 38 millions de Français attributaires potentiels du « chèque classe moyenne » du gouvernement Castex, – chiffre indirectement corroboré par celui de 4 ménages sur 5 ayant bénéficié, dès la mise en place de la mesure, de la suppression de la taxe d’habitation, – c’est qu’après deux siècles de capitalisme plus ou moins tempéré, lequel a contribué à faire de la France une des premières puissances économiques mondiales, la justification première de ce système, qui est de permettre l’enrichissement général, doit faire sur ce point l’objet d’une remise en cause fondamentale à raison de sa faillite.

Certes les Français, en particulier quand on compare leur situation à celles des populations de plusieurs autres pays développés, bénéficient surtout depuis l’après Seconde Guerre Mondiale, d’une politique redistributive, d’où sont cependant exclus, par différents effets de seuil, de nombreux membres de la classe moyenne inférieure : cette redistribution permet de remédier aux situations les plus difficiles ; mais il n’en demeure pas moins, quant à l’enrichissement du plus grand nombre, que l’efficacité réelle du système capitaliste n’est nullement avérée et qu’un constat objectif peut  facilement mettre en évidence que l’exploitation de l’ensemble des ressources de la planète, en dehors de ses conséquences globales sur l’avenir de cette dernière, n’a en fait permis que d’enrichir les plus riches.

Il ne s’agit donc pas d’encourager le capitalisme en continuant par exemple à lui prodiguer des conseils en matière sociale ou environnementale, avec la mention « peut mieux faire », mais de répondre sans idéologie à la question « peut-il mieux faire » ? On s’étonnera un jour que la réponse n’ait pas été  formulée plus rapidement et de manière quasi-unanime, tant le constat peut être froidement partagé par l’ensemble du personnel politique en dehors de ses différentes conceptions sociétales ; mais les idéologues, quel qu’en soit le genre, ont une telle capacité de mobiliser le débat, quelle qu’en soit la nature : aujourd’hui, ce sont les libéraux, néo-libéraux ou « libéralistes » qui déversent à flots ininterrompus dans les médias leurs maximes et leurs mantras sur le ton du « entrez vous cela dans la tête » qui présida jadis aux débuts de la publicité.

vendredi 27 août 2021

Le passe sanitaire, illustration de la pratique politique de l’extrême-centre

 L’affaire du passe sanitaire constitue une illustration parfaite, nous semble-t-il, de la pratique politique de l’extrême-centre : plutôt que d‘imposer la vaccination obligatoire contre le COVID-19, comme sans doute l’eussent fait autrefois les familles politiques traditionnelles de droite ou de gauche, et prendre conséquemment le risque de se voir reprocher le caractère incontestablement liberticide d’une telle décision, la politique modérantiste et libérale du pouvoir, qui, au demeurant, n’exclut pas l’autoritarisme musclé dans l’application de ses procédés de défausse, contraint les membres du corps de la Nation, sans cesse et toujours plus divisés et opposés entre eux, à se positionner pour ou contre le passe sanitaire à partir des seuls éléments de langage du gouvernement, sans pouvoir prétendre effectuer un choix véritablement éclairé, ou véritablement politique, puisque le champ d’application de cet outil est à géométrie variable.

Dès lors, prendre position, non pas contre la vaccination en elle-même, mais contre le passe sanitaire, c’est avant tout dénoncer l’hypocrisie d’un passe vaccinal, dont le pouvoir ne veut pas dire le nom pour des raisons inhérentes à la doxa de l’extrême-centre : privilégier la cote mal taillée et le flou du discours, le vide des mots et le choc des petites phrases, dans l’espoir d’agréger «  en même temps » le temps d’un vote, au-delà d’un projet politique inexistant, quelques segments du marché électoral qui permettront sa réélection, au mépris du signal fort envoyé par l'abstention.

samedi 10 juillet 2021

« L'admirable aussi, c'est la facilité à se payer de mots » (Victor Hugo)

 

Soit, à la suite d’un attentat, un communiqué du genre :

« Le Président de la République [var. : le Premier Ministre] a condamné avec la plus extrême vigueur cet acte lâche et odieux ; tout est mis en œuvre, a-t-il indiqué, pour que ses auteurs, ainsi que leurs complices éventuels, soient rapidement identifiés, localisés, arrêtés et jugés avec la plus grande sévérité. La République ne se laissera pas intimider par les extrémismes et force restera à la Loi ».

On aura reconnu aisément les « éléments de langage » habituels, empruntés à des déclarations authentiques. Questions :

-         Comment un responsable politique pourrait-il ne pas condamner avec la plus extrême vigueur un attentat ? Imagine-t-on un seul instant qu’il puisse le condamner mollement, du bout des lèvres, à contrecœur même ?

-         Comment un attentat pourrait-il être autre chose que lâche et odieux ? Y aurait-il donc des attentats badins, dont il serait possible de s’accommoder ?

-         Comment un responsable politique pourrait-il différer les instructions nécessaires pour aboutir le plus rapidement possible à la prise de corps des auteurs de l’attentat ? Imagine-t-on qu’il veuille donner du temps aux criminels afin que ceux-ci puissent organiser la suite des événements, raconter leur histoire, qui sait, fêter leur succès ?

-         Comment un responsable politique pourrait-il réclamer autre chose que la plus grande sévérité à l’encontre des auteurs de cet attentat ? S’agirait-il de plaider à leur place les circonstances atténuantes, d’envisager des démonstrations de sympathie, voire d’amitié à leur égard ?

-         Enfin, la République n’est pas constituée en dehors des républicains et ce sont les représentants de la Loi qui doivent avoir recours, de manière proportionnée, à la force : un attentat place donc les uns et les autres en face de leurs responsabilités. Pourquoi donc se défausser sur des entités abstraites, sinon parce que cela ne coûte rien ?

On aura compris qu’il s’agit en fait, pour celui qui produit ce genre de communiqué, de se payer de mots ; mais l’inflation de ces derniers conduit bientôt, à l’instar de ce que l’on observe s’agissant de la monnaie, à leur dévalorisation. Se payer de mots, c’est donc avoir recours à de la « monnaie de singe » : celle-ci a longtemps eu cours forcé sur le marché de la politique des professionnels ; mais le taux d’abstention des dernières élections montre que singeries et simagrées ont désormais perdu toute valeur fiduciaire.

  Un correspondant nous écrit : « Découragé, atterré, par le soi-disant "nouveau monde" de la politique, deux options de non-e...