Soit, à la suite d’un attentat, un communiqué du genre :
« Le Président de la République
[var. : le Premier Ministre] a condamné avec la plus extrême
vigueur cet acte lâche et odieux ; tout est mis en œuvre, a-t-il indiqué, pour
que ses auteurs, ainsi que leurs complices éventuels, soient rapidement identifiés,
localisés, arrêtés et jugés avec la plus grande sévérité. La République ne se laissera
pas intimider par les extrémismes et force restera à la Loi ».
On aura reconnu aisément les « éléments de langage »
habituels, empruntés à des déclarations authentiques. Questions :
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Comment
un responsable politique pourrait-il ne pas condamner avec la plus extrême vigueur
un attentat ? Imagine-t-on un seul instant qu’il puisse le condamner mollement, du
bout des lèvres, à contrecœur même ?
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Comment
un attentat pourrait-il être autre chose que lâche et odieux ? Y aurait-il
donc des attentats badins, dont il serait possible de s’accommoder ?
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Comment
un responsable politique pourrait-il différer les instructions nécessaires pour
aboutir le plus rapidement possible à la prise de corps des auteurs de l’attentat ?
Imagine-t-on qu’il veuille donner du temps aux criminels afin que ceux-ci
puissent organiser la suite des événements, raconter leur histoire, qui sait, fêter
leur succès ?
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Comment
un responsable politique pourrait-il réclamer autre chose que la plus grande
sévérité à l’encontre des auteurs de cet attentat ? S’agirait-il de
plaider à leur place les circonstances atténuantes, d’envisager des démonstrations
de sympathie, voire d’amitié à leur égard ?
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Enfin,
la République n’est pas constituée en dehors des républicains et ce sont les représentants
de la Loi qui doivent avoir recours, de manière proportionnée, à la force :
un attentat place donc les uns et les autres en face de leurs responsabilités.
Pourquoi donc se défausser sur des entités abstraites, sinon parce que cela ne
coûte rien ?
On aura compris qu’il s’agit en fait, pour celui qui produit
ce genre de communiqué, de se payer de mots ; mais l’inflation de ces derniers
conduit bientôt, à l’instar de ce que l’on observe s’agissant de la monnaie, à
leur dévalorisation. Se payer de mots, c’est donc avoir recours à de la « monnaie
de singe » : celle-ci a longtemps eu cours forcé sur le marché de la
politique des professionnels ; mais le taux d’abstention des dernières
élections montre que singeries et simagrées ont désormais perdu toute valeur fiduciaire.